La DH en visite chez Denis Odoi: "Kabasele plus fort que moi? Je ne pense pas..."
Denis Odoi s’est imposé comme titulaire en Premier League avec Fulham et espère retrouver un jour l’équipe nationale
- Publié le 06-10-2018 à 07h27
- Mis à jour le 06-10-2018 à 15h48
Denis Odoi s’est imposé comme titulaire en Premier League avec Fulham et espère retrouver un jour l’équipe nationale "Je suis derrière toi."
On se retourne en voyant la notification Whatsapp. Pas de signe d’une grosse Lamborghini ou d’une Aston Martin. La première impression est certainement celle qui en dit le plus long sur une personne. Nous sommes le long de Craven Cottage, le mythique stade de Fulham, et Denis Odoi nous dépasse pour nous dire de le suivre. Il saute en dehors de son Audi et va discuter avec le garde.
Il a méticuleusement tout prévu pour qu’on puisse faire une interview dans la salle réservée aux joueurs. Posé dans un grand canapé, le Louvaniste explique comment un gars de Lokeren est devenu titulaire en Premier League.
D’abord, désolé pour la curiosité, est-ce que votre vie a changé depuis quelques mois ?
"Je ne sais pas trop. Mais je ne pense pas qu’on parle davantage de moi en Belgique. Tu es d’ailleurs le premier journaliste à venir me rendre visite."
Et nous avons fait l’aller/retour en voiture juste pour vous… (rire)
"Vraiment ? C’est cool ! (rire)"
En même temps, ça en vaut la peine pour un défenseur de Premier League, non ? Avant, on faisait la fête quand on avait un titulaire en Eredivisie…
"Ouais mais il suffit de regarder notre équipe nationale pour voir ce qui a changé. Je suis à Fulham, je profite, je fais le job et on verra ce qui se passe."
C’est fabuleux ce qui vous arrive !
"Je profite du temps de jeu qu’on m’offre. Après, je sais que je commets encore des erreurs comme le week-end passé. J’apprends encore à 30 ans ! Je dois avouer que ça va plus vite ici qu’en Belgique. Il faut savoir réagir. La mentalité doit aussi évoluer. Si ce week-end, des équipiers se disent qu’on joue contre des gars comme Özil, on est morts. Ce n’est pas parce qu’on vient de D2 qu'on doit se contenter de bien jouer contre Huddersfield et Cardiff. On doit jouer pour les trois points face à Arsenal. C’est un point qu’on doit travailler."
C’est logique, non ? Prenez votre cas, il y a deux ans, vous affrontiez Waasland-Beveren et Malines…
"C’est ma troisième année à Fulham et à part les adversaires, rien n’a changé. C’est le même club, les mêmes joueurs ou presque. OK, parfois tu es face à un gars comme Agüero et tu te dis que ça ressemble à un match de FA Cup ou à une provinciale qui joue contre Anderlecht. (rires) Mais ça passe vite."
Prenez deux secondes pour réfléchir à votre évolution sportive…
(il sourit) "Je m’en rendrai compte plus tard. Là, je vis le moment. C’est clair que passer d’une saison difficile avec Lokeren à la Premier League en trois ans, c’est dingue mais je n’oublie pas que je suis venu ici en D2 et parce que j’avais envie de jouer et faire mon maximum."
Vous avez atteint votre sommet ?
"J’étais aussi très fort ma deuxième année à Lokeren quand j’avais 25 ans. Je me sentais bien. Le niveau est tellement différent ici que j’ai du mal à juger. Peut-être que si je reviens en Belgique, je me dirai que c’est trop facile. (rires) Sans être arrogant, hein. C’est juste que c’est dur de comparer. Je suis toutefois toujours au top physiquement. Lors des tests physiques je suis dans le top 3 de l’équipe. J’ai encore une grosse détente et beaucoup d’explosivité. En fait, je suis complet physiquement même si quand j’ai les chevilles ou les genoux tout raides, je me dis 'Denis, t’as plus 24 ans'."
Vous avez changé de poste l’an passé pour passer du flanc à l’axe…
"Un équipier a pris une rouge et j’ai dépanné. J’ai encore joué un peu partout avant que le coach ne me mette dans l’axe en fin de saison. Il m’a récemment demandé où je souhaitais évoluer. Je lui ai dit : 'Tu sais quoi, ça roule pas mal dans l’axe donc je vais rester ici.' Il avait l’air content de ma réponse."
Qu’avez-vous dû changer dans votre jeu ?
"Cela va au-delà du match. Je sens que je regarde le foot différemment. Je réfléchis davantage sur le terrain mais aussi avant le match. Je mange beaucoup d’images de l’adversaire."
Vous adaptez alors votre jeu à l’attaquant adverse.
"Carrément. Prenez Mitrovic avec qui je joue tous les jours à l’entraînement. Tout le monde sait qu’il aime se coller à son défenseur. Moi, je sais qu’il n’aime pas les défenseurs rapides et les un contre un. Alors au lieu de me mettre près de lui, je laisse un bras de distance entre lui et moi pour le forcer à me faire face et à dribbler. Si je me colle à lui, il va m’utiliser comme un poteau pour tourner. Je vous jure. C’est à peine s’il ne me prend pas avec sur son dos en se retournant. J’avoue préférer ce genre d’attaquant à un joueur qui bouge et qui fait plus chier."
Mitro n’aime pas jouer contre vous ?
"Demandez-lui. Je l’ai encore bien fait chier à l’entraînement ce matin (lisez mercredi)."
Vous êtes le plus petit défenseur de Premier League avec vos 178 centimètres. Cela vous fait quoi ?
"Le football évolue. On demande davantage de construction par l’arrière et les profils changent. Je suis comme Dries Mertens. Personne n’aurait dit qu’avec sa taille, il saurait jouer numéro 9 et pourtant il a mis des buts à la pelle. Mais comme lui, j’adapte mon jeu à mon poste avec mes qualités physiques."
Plus tôt, vous disiez, on verra ce qui arrivera… Vous parlez des Diables ?
"Pourquoi pas, mais on a quand même des défenseurs de haut niveau. Kompany, Alderweireld, Vertonghen, c’est du costaud. Puis, il y a Denayer à Lyon, Kabasele à Watford et Boyata au Celtic. Je ne connais pas le vrai niveau du Celtic mais un équipier m’a dit que l’Écosse n’était pas une grande compétition. Après, Boyata a montré au mondial qu’il avait le niveau. Fulham voulait l’acheter mais ça ne s’est pas fait. Tant mieux pour moi au final."
Ces gars, qui sont sélectionnés, sont-ils meilleurs que vous ?
"J’ai joué contre Watford. Kabasele est bon défenseur. Est-il plus fort que moi ? Je ne sais pas. Je ne pense pas. J’ai aussi la force de connaître tout le monde dans ce groupe. J’y ai beaucoup d’amis."
Avez-vous eu des contacts avec le coach ?
"Non. C’est dommage. Je ne joue pas pour me montrer pour les Diables. Je fais le boulot pour moi, pour mon club. Et puis si ça vient je suis fier. Il n’est jamais venu quand j’étais en Championship. C’est dommage car selon moi, c’est plus intense que la Pro League. Si Anderlecht y jouait, je ne sais pas s’il serait à chaque fois candidat au titre."
Pensez-vous qu’il vous connaisse ?
"Je n’en sais rien. Il n’est jamais venu à Fulham en tout cas. Je ne suis pas là pour faire un speech pour dire que je dois être appelé. Si Roberto Martinez pense que je suis assez fort, il m’appellera un jour."
"Mignolet veut échanger sa vie contre la mienne"
Denis Odoi est pote avec de nombreux Diables : Mertens, Praet, Dembelé, Vertonghen, Mignolet, etc.
La vie de famille et la naissance de son petit Isaak qui a désormais un an prennent pas mal de temps à Denis Odoi. Cela ne l’empêche pas d’être proche de nombreux Belges qui évoluent en Angleterre ou ailleurs.
On a l’impression que forcément, les Belges de Premier League passent leur vie ensemble…
"Tu as vu les calendriers ? C’est bien chargé. Et pour aller dans le Nord chez Moussa et Jan, c’est long hein ! Ce week-end, j’étais chez Simon Mignolet et, lui, il peut facilement se déplacer. Londres, c’est un autre monde."
Comment cela se fait-il que vous avez passé le week-end chez Mignolet?
"Je jouais à Everton et j’avais deux jours de congé. Après le match, ma femme et moi avons été chez sa femme et il nous a rejoints. C’était sympa. Il essaie souvent de venir à Londres quand il a un moment. Il aime bien."
Londres et Liverpool sont des villes très différentes…
"Honnêtement, je suis content d’être à Londres. Quand Simon sort en rue, il se fait souvent interpeller et même insulter. Ici, je ne suis jamais embêté. Après, je ne suis pas Vertonghen ou Dembelé. C’est aussi une question de culture. Fulham est un club assez aisé et nos fans sont passionnés mais ont autre chose que le football dans leur vie. Londres en général est plus tranquille. Je peux me promener avec Moussa sans être arrêté. Ce n’est pas pareil à Manchester ou Liverpool. Mignolet doit mettre une casquette pour aller en ville. Il m’a dit qu’il aimerait échanger sa vie avec la mienne."
Vous êtes devenu un peu Londonien?
"J’ai choisi d’habiter en ville car j’adore ça. Après, chez moi, c’est calme. Je peux sortir mon chien sans soucis (rires) . En 30 minutes, je suis dans le centre si je prends le métro."
Vous prenez le métro?
"Bah ouais. Un bus puis un métro et c’est bon. Mes équipiers me disent que je suis fou, que j’ai assez d’argent pour prendre ma voiture ou Uber mais c’est juste que ça va plus vite. On logeait à l’hôtel avant Watford et un équipier m’a croisé à l’arrêt de bus. Il a cru que j’étais dingue mais ce sont eux les fous qui veulent se taper les bouchons."
"Ce qu’Insigne fait, Dries en est aussi capable"
Des milliers de kilomètres séparent Dries Mertens et Denis Odoi. Les deux amis d’enfance se voient beaucoup moins qu’avant. Cela n’a pas empêché Odoi d’aller à Naples chez son grand pote et de prendre régulièrement de ses nouvelles.
"Je sais que si je suis ici, c’est grâce à la famille de Dries qui m’a permis d’aller tous les jours à Anderlecht. C’est dingue la carrière qu’il a eue. Les gens sont étonnés de sa réussite. Pas moi. Même quand il a commencé comme attaquant, je savais qu’il ferait son truc."
L’arrivée de Carlo Ancelotti a un peu freiné la courbe ascendante de Mertens mais Odoi croit encore en lui. "Il a déjà connu des moments difficiles. Il va montrer à Ancelotti ce qu’il vaut. Insigne est un bon joueur mais ce qu’il fait, Dries peut le faire. Il ne doit plus rien prouver à Naples."